En quoi le jeu peut nous permettre d’accéder au « changement sans douleur » ?
Et si apprendre, changer, jouer étaient des façons naturelles et efficaces de se relier au monde ?
Changer, est-ce si difficile ?
Le changement apparaît donc fréquemment comme une nécessité, une contrainte, une difficulté : « il faut changer », « les gens n’aiment pas changer », « nous traversons une crise »…
Ce regard dévalorisant sur le changement auto-entretient les résistances dont il est l’objet : c’est un cercle vicieux : moins on dépeint le changement comme désirable, moins il l’est.
Pourtant, ces points de vue contredisent une réalité présente depuis la nuit des temps : les enfants et les adultes changent ; ils jouent, apprennent, évoluent tout au long de la vie.
Je m’interroge sur les liens qui existent entre jouer, changer et apprendre.
Et s’il était possible de changer de façon fluide, en jouant, en apprenant, en modelant notre réalité de façon créative ?
Pouvons-nous découvrir les conditions naturelles du changement et de l’émergence du jeu ?
Personnellement, j’ai toujours adoré jouer, bouger, apprendre et je considère le jeu comme une chose importante, nécessaire et de grande valeur.
Mon but dans cet article est de contribuer à déverrouiller certaines croyances établies qui freinent parfois le changement. J’ai aussi appris à reconnaître le type d’environnement qui me motive à évoluer et celui qui ne me donne pas envie de le faire.
Vous savez bien que ce sont nos représentations mentales qui modèlent nos émotions et nos comportements. Fernand Lamaze en 1952 a révolutionné la discipline en créant un ensemble de techniques visant à réduire l’angoisse et les douleurs de l’accouchement par une préparation durant la grossesse : l’accouchement sans douleur (ASD).
Pourquoi ne pas travailler sur les techniques de « changement sans douleur » ou « changement par le jeu » ?
Commençons par clarifier les termes de jeu.
Étymologie : le double sens du mot « jeu ».
Dans le petit Robert, le mot JEU a plusieurs significations.
La principale est « activité physiquement ou mentale purement gratuite, qui n’a dans la conscience de celui qui s’y livre, d’autre but que le plaisir qu’elle procure ».
Le premier sens du mot JEU est en lien avec le plaisir, l’amusement, le divertissement. C’est le plaisir de l’enfant qui joue.
Le joueur, guidé par le plaisir, s’oublie en agissant ; il a juste conscience de s’amuser ; et c’est pourquoi il s’investit dans une action, il est connecté à son corps, à une partie de lui-même particulière qui regorge de possibilités nouvelles.
Le plaisir permet donc de mettre en suspens momentanément la vigilance des fonctions rationnelles habituelles ; cette levée d’inhibition favorise le changement.
Le deuxième sens est le « mouvement aisé, régulier d’un objet, d’un organe, d’un mécanisme ». On parle du jeu d’un ressort, du jeu des muscles.
Ce sens introduit l’idée d’espace, de possibilité de mouvement. Le jeu est donc une façon de bouger, de s’écarter d’une position habituelle (dite « au repos »). Par le jeu, l’être humain crée de l’espace en lui-même et dans sa relation aux autres.
Je définis le jeu comme une action que nous faisons avec plaisir et qui nous écarte momentanément du réel pour aller vers chose inconnue et stimulante.
Le jeu nous fait plaisir et déplace notre regard sur notre propre vie, vers le monde et les autres.
Jeu de l’enfant, jeu de l’adulte.
L’enfant acquiert ses principales compétences par le jeu, à savoir l’action répétée, faite avec plaisir, centrée vers un but motivant. Par le jeu, il apprend à marcher, à parler, à entrer en relation avec ses semblables, à faire toutes sortes de choses avec ses mains.
Il le fait de façon naturelle, sans le vouloir délibérément, simplement en agissant. Il ne décide pas de « développer ses facultés motrices », il joue avec un ballon par exemple, et, indirectement, développe ses facultés. Si on disait à un enfant « va bouger pour te développer », il ne serait absolument pas motivé. L’approche frontale du changement n’est pas motivante ; c’est le fait de se placer dans le courant naturel de la vie qui conduit au changement.
Lorsqu’un enfant apprend à marcher il essaye des centaines, voire des milliers de fois. Il ne se décourage pas car il envie la liberté de son entourage, il prend plaisir à mouvoir son corps, il ne se blesse pas (la nature bien faite lui a donné un centre de gravité bas et des formes rebondies !)
Chez l’adulte, nous abordons souvent le changement de façon frontale et provoquons des craintes. Une façon différente de s’y prendre est de construire des buts motivants qui naturellement vont conduire à des changements.
Jouer c’est apprendre, changer, se déplacer.
Changer, c’est se déplacer vers une situation différente, que l’on souhaite de préférence. Le changement est d’abord un mouvement.
Apprendre, c’est devenir capable de comprendre des choses nouvelles (littéralement prendre avec soi), d’agir différemment ; c’est donc aussi une façon d’aller vers une situation désirée.
Jouer, c’est se déplacer, sortir de soi, voir et faire les choses différemment. Le jeu est donc proche du changement et de l’apprentissage ; le mot comporte juste une connotation plus légère, plaisante, moins frontale que les mots « changement et apprentissage ».
Et si une bonne façon de créer ou d’accompagner le changement était de mettre les personnes et les équipes en situation de jeu ?
Et s’il s’agissait de créer un espace/ temps différent de la pression quotidienne ?
Un espace/temps qui permette à chacun d’essayer des choses, de prendre plaisir, d’expérimenter, de faire des tentatives dans un climat de confiance.
Nous pouvons nous amuser à parler différemment, à penser différemment, à agir différemment : les résultats sont surprenants.
Dans de prochains articles, vous aurez des exemples précis de l’intérêt du jeu dans la conduite des réunions, l’animation de formation et la vie au travail.
Vous me ferez plaisir en envoyant vos commentaires, propositions, inspirations… afin de nourrir ma réflexion.