De l’incertitude et un climat d’accueil
Nous avons souvent constaté que la nouveauté, pour survenir, a besoin de deux éléments :
- l’incertitude, faite de hasards, d’imprévus, d’erreurs parfois ;
- l’ouverture, l’accueil bienveillant.
L’incertitude, c’est d’abord le refus de la routine, des programmes prémâchés, des recettes toutes faites. Nos interventions, bien que préparées, s’appuient sur l’incertitude pour réussir ; d’ailleurs, lorsqu’une intervention semble trop évidente, nous nous méfions.
C’est comme au théâtre, le trac est plutôt un bon indicateur : un signe que tout n’est pas joué, que nous avons à vivre les choses à fond pour que la magie opère.
La bienveillance, c’est pour nous un impératif humain et pédagogique. Nous faisons toujours tout pour favoriser un climat bienveillant, entre l’animateur et le groupe, ou le coach et son client, et surtout au sein du groupe.
Notre conception du changement, de la libre transformation est la suivante : (se) permettre d’être déstabilisé et accueillir positivement ce qui arrive.
Le jeu pédagogique est toujours pour nous une métaphore du changement ; pour changer avec fluidité, le jeu est le moyen idéal dont nous avons besoin car il permet d’« apprivoiser l’imprévu ».
La bienveillance ou l’incertitude seule ne suffit pas pour changer.
L’accueil positif rassure, réconforte ; la chaleur de l’amitié est un soutien, parfois vital, mais le plus souvent insuffisant pour changer.
Nous trouvons la remise en question, la déstabilisation quand « la vie nous résiste » ; c’est-à-dire quand ça n’est pas facile, pas évident, pas prévu ou inférieur à nos attentes. On n’apprend rien quand le réel ne nous déçoit pas, ne nous bouscule pas.
3 dérives à surveiller
Cependant, ce n’est pas si simple : incertitude et bienveillance nous exposent parfois à trois dérives : la dérive amicale, la dérive ludique et celle de la « toute-puissance ».
La dérive amicale
Elle apparaît lorsque le climat est trop proche, trop familier ; dès que l’on se sent trop à l’aise, la magie de la rencontre tend à disparaître.
La dérive ludique
Elle existe lorsque l’agrément de la forme masque l’indigence du fond. Notamment quand les contenus pauvres ou banaux sont masqués par des présentations PowerPoint sympathiques ou des moyens mnémotechniques astucieux.
Le ludique n’est pas une fin en soi ; il permet juste d’introduire des éléments stimulants et d’accroitre l’attention.
La « toute-puissance »
Elle apparaît lorsque l’intervenant domine trop les échanges par sa compétence, son charisme ou son flot de paroles ; ou encore lorsque les participants n’osent pas s’exprimer. Il s’installe alors une forme de rigidité, de stéréotype dans les relations.
Ces trois dérives possibles ont quelque chose en commun : elles ont un effet anesthésiant !
Elles vont à l’encontre de notre but qui est de promouvoir le changement, la transformation par la participation, l’action, la stimulation du désir de vivre et de réussir.
Les conditions d’efficacité d’un jeu pédagogique
Un jeu pédagogique est efficace quand il porte ou stimule le questionnement.
En revanche, il est manipulatoire ou inintéressant quand il conduit à des réponses rapides, voire stéréotypées.
Le jeu pédagogique doit produire de la déstabilisation, de l’incertitude, de la remise en question, un élargissement de la vision de la de la réalité.
Il est riche quand la séquence complète permet la multiplicité des postures :
- Posture « associée » : nous sommes dans la situation et la vivons pleinement.
- Posture « méta » : nous sommes hors de la situation ; ce qui permet la prise de recul.
- Posture de jeu : nous sommes dans la situation, sans y être submergée ; nous sommes en état de faire des propositions, suggestions et hypothèses. Jouer, c’est vivre la situation en liberté, c’est-à-dire sans coller au réel à 100%, ni s’en extraire totalement.
Jeu simple, posture complexe
Pour les participants, tout jeu pédagogique doit être simple : simple à comprendre, assez court, en tout cas bien balisé dans le temps, mobilisateur.
L’animateur d’un jeu, de son côté, en saisit toute la complexité.
La réussite pédagogique ne repose pas seulement sur la technicité d’un jeu, sur un outil ; elle prend en compte une multitude de plans :
- Le plan des valeurs transmises.
- Le plan des informations.
- Le plan de la réflexion, des croyances.
- Le plan des compétences : actuelles et visées.
- Le plan de l’appartenance : au groupe et à l’entreprise.
- Le plan du soutien : doser l’intensité, la forme et le moment du soutien est essentiel.
- Le plan des outils, méthodologies et processus reproductibles en situation.